dimanche 20 novembre 2016

La pietà Rondanini di Milano

Michel-Ange - Michelangelo Buonarroti décède le 18 février 1564. A sa mort reste dans son atelier, inachevée, une pietà de marbre, représentant de manière originale le Christ et Marie, debout, unis presque l'un contre l'autre, semblant à peine dégagés du marbre. C'est le serviteur de Michelangelo qui hérite cette œuvre, mais on en perd rapidement la trace. Elle est mentionnée en 1807 dans la collection du Marquis Rondanini, au Palazzo Rondanini, à Rome. Achetée par la Ville de Milan en 1952, elle se trouve depuis au Castello Sforzesco dont elle est l'un des joyaux.

Son histoire est mystérieuse au sens où Michel-Ange a travaillé deux versions de cette pietà, et son élaboration aura duré une quinzaine d'années : commencée en 1550, elle n'est pas achevée lorsque l'artiste meurt. La durée du travail interroge : pourquoi tant de temps pour un artiste rompu à la sculpture ? S'agit-il d'une crise mystique qui l'incite à rompre avec les conventions, présentant le Christ et sa mère debout et non dans la position conventionnelle comme la Pietà vaticana de Rome ? Évidemment, peu de réponses possibles. L'œuvre inachevée ne laisse que la réflexion sur les possibles qui demeurent. Et cependant, le sentiment se dégage qu'en l'état, elle apparaît comme si la seule intention de Michelangelo restait encore visible dans l'émergence des formes de ce marbre, avec les parties en cours d'achèvement, celles qui sont restées dans la forme brute du marbre. On se rappelle ce conte de l'enfant et du sculpteur qui taille un cheval dans une masse de pierre. La statue n'est pas encore achevée mais déjà on voit l'animal qui se dégage de la pierre. L'enfant demande alors au sculpteur comment il avait compris qu'il y avait un cheval dans la pierre qu'il lui fallait laisser sortir de sa gangue.

C'est un peu la même chose ici : jusqu'au bras droit du Christ qui est brisé. Pour la Pietà Bandini que Michelangelo prévoyait pour son tombeau, c'est la jambe gauche du Christ qui a été brisée et qui a disparu. Le disciple et ami de Michelangelo, Teberio Calcagni, empêcha son maître de détruire la statue et la termina, déguisant l'absence de jambe gauche par un drapé de la robe de Marie.

Pietà Rondanini - Milano
Évidemment, Michelangelo n'avait pas souhaité que cette pietà nous parvienne sous cette forme. Le hasard a ses exigences : aujourd'hui, où la réflexion de l'art porte également sur la nature de la matière, sur les relations étroites qu'entretient l'artiste avec elle, comme une sorte parfois de complicité, avec les traîtrises qu'elle peut exercer par un coup mal porté, il m'apparaît que cette œuvre, dans sa traversée des siècles atteint chaque regard par son expression d'une forme pure; elle explose d'un matériau des plus nobles, le marbre blanc, pour rappeler que si on peut en tracer l'histoire, Michelangelo a réussi à en abolir le temps. La Pietà Rondanini n'en finit pas de raconter comment cette mort n'a pas été en mesure de terrasser la vie qui se redresse, peut-être maladroitement, mais émerge dans cette relation de deux êtres indéfiniment liés, au-delà de la vie et de la mort. Peut-être une expression de l'amour universel.

La Pietà Bandini - 1547-1555, Museo dell'Opera del Duomo - Firenze